Revue de Presse
(Livres – Débats – Idées)/ 2020 03 22/
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de l’Ong EODE

* PANDEMIA
Franck Thilliez
(Ed. Fleuve Noir, 648 pages ; Edité en poche chez Pocket)

Paru en 2015, ce thriller brossait le scénario catastrophe d’une pandémie de grippe en France. Une anticipation brillante (écrite avec les scientifiques de l’Institut Pasteur à Paris), que l’auteur révise avec Le Point (Paris) Et, hélas témoignage que l’on pouvait anticiper les réponses efficaces à la Pandémie actuelle …
LM

# REVUE DE PRESSE /
« FRANCK THILLIEZ, L’AUTEUR DE POLAR QUI AVAIT TOUT PRÉVU AVEC « PANDEMIA » ! » (LE POINT)

Extrait : « Il y a 5 ans, Franck Thilliez, auteur de thriller à succès, dont la série des enquêtes du couple Hennebelle et Sharko, se mettait au défi d’imaginer, sur le terrain glissant des livres ou films catastrophes, une fiction dont le virus serait le héros. Avec un réalisme scientifique saillant, le romancier, aidé des chercheurs de l’Institut Pasteur de Lille, a mis en scène l’intégralité d’un plan pandémie tel que dans nos cauchemars les plus fous. La découverte de cygnes morts dans le parc du Marquenterre met en évidence l’existence d’une souche virale inconnue. Qui ressemble à s’y méprendre au coronavirus. Incubation lente, taux de propagation important, saturation des services hospitaliers, fermeture des crèches et des écoles, confinement : tout est là. Et surtout la peur, aux manettes du collectif. Franck Thilliez a accepté de relire ce roman qui prend aujourd’hui des airs d’augure… »

INTERVIEW DE L’AUTEUR

Extrait 2 :
« Le Point : Qu’est-ce qui vous a poussé à l’époque vers ce sujet, que la France puisse être frappée par une pandémie ?

Franck Thilliez : Le sujet des virus m’a toujours intéressé, mais je voulais l’écrire vraiment à la française. Je ne voulais pas d’une souche volée dans un laboratoire américain, qu’un méchant répandrait parmi la population. Non, ce qui m’intéressait, c’était de savoir ce qui se passerait spécifiquement en France, vraiment heure par heure, si une telle situation venait à arriver. Je voulais comprendre comment naît une pandémie. Je me suis donc rapproché de l’Institut Pasteur, à Lille, près de chez moi. Et le scénario développé alors, c’est exactement ce qui se passe aujourd’hui.

Pourquoi avoir choisi le virus mutant de la grippe en particulier ?

C’est un choix qu’il faut faire quand on veut écrire une fiction sur un virus. On se dit, quel virus ou bactérie choisir ? Et on penche d’abord pour Ebola, ou pour des maladies vraiment spectaculaires. Mais en discutant avec les chercheurs, il m’est venu qu’il fallait trouver quelque chose de plus pernicieux, qui se propage très vite mais sans tuer forcément les gens. C’est pour ça que j’ai choisi une grippe, avec une souche inconnue, et qui ressemble vraiment au Covid-19. Parce qu’il y a ce délai d’incubation extrêmement long qui fait que le virus peut se cacher dans l’organisme et, avec un taux de propagation très important, qu’il puisse se répandre considérablement parmi la population sans que le sujet soit au courant qu’il est infecté…

Vous dites que vous ne vouliez pas d’un virus qui tue forcément, pourquoi ?

Non, ce que je voulais surtout, c’était semer la panique ! Parce que ce qui fait vraiment peur aux scientifiques, la première chose qu’ils m’ont dite, lorsque j’ai commencé à travailler avec eux, c’est la panique que le virus va nécessairement créer parmi la population. Or la grippe fait vraiment paniquer. Elle déclenche instantanément tous les plans qui sont préétablis par les spécialistes. Et ce que j’ai appris en écrivant ce livre, c’est qu’il y a tout un système de surveillance des virus qui nous entoure. Il y a des chercheurs qui nous encadrent, comme des agents des renseignements généraux, qui veillent sur ce monde de l’invisible et qui réagissent au quart de tour dès qu’une alerte est déclenchée. C’est ensuite une course contre la montre, comme une enquête policière. Ce qui fait que ça coulisse parfaitement avec une enquête de polar. Il y a un vrai parallèle. Mes chercheurs, dans le livre, je les ai appelés le « GIGN des microbes ». Et c’est ce qui se passe véritablement. Il y a des équipes qui veillent et, dès qu’un cas s’annonce, ils se rendent chez les gens, rencontrent leurs contacts, les isolent. Comme ce que l’on a vécu au début de l’épidémie du coronavirus, avec la recherche du patient zéro.

Dans le roman, vous déroulez tout ce que l’Institut Pasteur vous a enseigné d’une pandémie ?

Je décris tout le processus, à partir de la recherche du patient zéro, primordiale, la recherche de l’endroit, et du pourquoi. Parce que le point originel de mes oiseaux conduit à retracer leur itinéraire, et donc à considérer que le phénomène existe au même moment dans d’autres pays partout en Europe ! Ensuite, on est dans le déploiement du plan pré-pandémique de la grippe, tel que j’ai pu les étudier auprès des chercheurs. Il y a un deuxième cas humain identifié à Paris dans le roman, puis un troisième, et ça se propage, sur fond d’enquête policière, puisqu’un cadavre est retrouvé dans les bois, sans rapport apparent… Le premier cas dans le livre est un employé du bâtiment du Quai des Orfèvres. Un peu comme en France, les gens importants qui sont touchés semblent être bien plus nombreux que les gens ordinaires…

Pandemia n’est pas non plus un scénario catastrophe à l’état pur. Qu’avez-vous souhaité ajouter ?

Un virus grippal animal ou hybride provoque des infections sporadiques, ou de petits foyers chez les humains, sans transmission interhumaine. C’est le constat avant la transmission à l’homme dont il est question au départ. Puis du passage de l’épidémie à la pandémie, soit en différents foyers et sur différents continents. Je voulais pouvoir raconter, par anticipation, toutes les conséquences économiques, sociales, humaines sur la propagation d’un virus. Plus on avance dans le livre et plus la situation se complexifie. Avec dix cas, on commence à fermer les crèches et les écoles, les gens doivent garder leurs enfants chez eux ! Et le problème se pose dans le livre en effet, comme aujourd’hui, avec les enfants du personnel hospitalier. Je parle de l’engorgement des structures. Toutes ces choses sont écrites. Je les ai lues, pour les retranscrire en fiction. On sait exactement que cela va générer ça. Tout comme le fait que si l’on trouve un vaccin, aujourd’hui, on ne pourra pas vacciner tout le monde et il faudra établir des listes de priorités. C’est terrible, mais on vaccinera les personnes importantes, les femmes enceintes, d’abord. Il faudra faire des choix éthiques en amont, et pour les gens ordinaires, attendre d’avoir son ticket, peut-être un mois plus tard.

C’est presque irrationnel cette peur, non ?

Oui, je crois qu’après le choix du virus, une grippe mutante, parce que c’était ce qui semblait le plus susceptible d’arriver un jour, je voulais raconter comment l’invisible, l’inconnu, fait peur. Comment les virus, d’une manière générale, peuvent faire peur. Et la désinformation est tout aussi terrible. J’évoque dans le livre un journaliste qui parle de H5N1 au lieu de H1N1. Il se trompe, ça arrive, mais de cette simple erreur naît une peur panique terrible, associée à une grippe tueuse. Tout devient incontrôlable. Et si je parle d’un journaliste, c’est parce que lorsque j’ai écrit ce livre, en 2015, les réseaux sociaux étaient loin d’être aussi puissants qu’aujourd’hui. Désormais, la question de l’information est un enjeu en lui-même.

Est-ce que l’arrivée du Covid vous impose d’autres parallèles ?

Oui, je parlais du manque de masques, du lavage des mains, de cette désorganisation que peut créer l’invisible. Le R zéro, le taux de reproduction du virus dans mon roman, est proche de celui du Covid-19. Un taux proche de deux. C’est-à-dire qu’une personne infectée en touche deux, puis quatre, puis huit. Voilà pourquoi, lorsqu’Emmanuel Macron, lors de son premier discours, a annoncé que l’épidémie allait se développer, c’est parce que c’est fondé sur des certitudes scientifiques.

On compare les courbes d’évolution chez nous à celles de la Corée du Sud ou de l’Italie. S’il y avait une spécificité française, quelle serait-elle ?

Je ne sais pas si les choses vont évoluer différemment chez nous, mais je sais que nous comptons en France des chercheurs parmi les meilleurs du monde. Notre système de protection et d’alerte est extrêmement performant, on peut avoir confiance.

# UN EXTRAIT DE PANDEMIA, DE FRANCK THILLIEZ

L’Extrait choisi par Le Point :
« – La grippe n’est peut-être pas la plus destructrice, mais elle est d’une efficacité redoutable en ce qui concerne la propagation. Son délai d’incubation est très court, c’est une grande sportive. Rien qu’en France, on pourrait atteindre dix millions de malades. Parmi les personnes touchées, 99,9 % passeront une mauvaise semaine au lit. Rien de grave, mais cela va entraîner un absentéisme de plusieurs millions de journées de travail, ça va se chiffrer en millions d’euros. Je ne te parle pas de la désorganisation du système de santé, de l’engorgement des hôpitaux, des perturbations importantes de
la vie sociale et économique, j’en passe.
– Ce qui est important, aussi, en termes de vies humaines, c’est que 0,1 % des malades auront de graves symptômes respiratoires et mourront des complications. 0,1 %, ça semble ridicule, mais quand on ramène à des millions de malades, je te laisse faire le calcul.
Il s’immobilisa au milieu de la pièce. Ses yeux fixaient un point imaginaire.
– Imagine si on étend cela au monde… L’air de rien, si vraiment ça va au bout, l’auteur de cette abomination va tuer au minimum des dizaines de milliers de personnes rien qu’en France, Amandine, avant que le premier vaccin apparaisse. Je trouve que c’est un score honorable pour un seul homme, pas toi ? – L’incertitude est notre pire ennemi en termes de microbes. On peut prédire la trajectoire d’un astéroïde, la durée d’une éclipse solaire, mais une pandémie est imprévisible. Et complètement invisible. Elle n’abîme pas les infrastructures, les constructions, contrairement à une guerre. Elle ne s’attaque qu’à ce qui vit. Il n’y a pas de monuments de commémoration, ni de tombes alignées dans les cimetières une fois qu’elle a tout balayé.
Ses mots pesaient. Lucie se dit que si elle voulait lui ficher les jetons, c’était gagné.
– N’oubliez pas que les pandémies se perdent dans l’histoire, c’est ce qui les rend d’autant plus dangereuses. On se souvient tous du virus tueur de la grippe espagnole, mais qui est au courant de la pandémie asiatique de 1957, qui fit plus de trois millions de morts ? Et celle de Hongkong, en 1968, qui tua deux millions de personnes ? Ces pandémies laissent le paysage intact mais si on les laisse faire, elles sont capables d’anéantir une société. C’est comme balancer un insecticide dans une fourmilière. C’est ce que nous devons, tous, à tout prix éviter. »

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