LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE/

Luc MICHEL pour EODE/

Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/

2020 07 30/

« En soutenant le mouvement frériste, la Turquie réactive son influence non seulement dans son ancienne zone de domination ottomane, mais également dans la diaspora turque à l’étranger étant donné l’activisme de la confrérie. De plus, ce positionnement nourrit son ambition de devenir la principale force avec laquelle il faut compter au Moyen-Orient et dans le monde musulman »

– Bahauddin Foizee (Middle East Monitor, 1er avril 2017).

« L’influence de la confrérie dans la région a été manifeste à la suite des « printemps arabes » survenus en 2011, avec l’arrivée au pouvoir de candidats issus de partis puisant leurs racines dans l’idéologie du mouvement, tels que Ennahdha (Mouvement de la Renaissance) en Tunisie, le Parti de la liberté et de la justice en Egypte ou le Parti de la justice et du développement (PJD) au Maroc. Depuis plusieurs années, les Frères musulmans jouent également un rôle important au sein de groupes rebelles armés libyens, yéménites et syriens »

– Ana Pouvreau (FMES, 19 juillet 2019).

J’ai dans mes analyses insisté sur la puissance globale qu’est aujourd’hui la Grande-Turquie néo-ottomane et sur la manière dont elle s’est structurée. En particulier au cœur de l’expansionnisme d’Erdogan il y a une « internationale » frériste et djihadiste, un pôle militaro-politico-mediatique international, combinant un appareil de propagande (les TV satellitaires turques en langues turques et arabes), le contrôle politique des Frères musulmans (1) (dont l’AKP est la version turque) (2) et un outil militaire, les katibas djihadistes proches d’Al-Qaida, dont le centre est à Afrin (les mercenaires d’Erdogan sont déployés en Syrie, en Libye, au Yemen et au Niger).

La Turquie en cet été 2020 est une puissance globale en expansion, de la Mer de Crète à la Mer rouge et de Tripoli à Bakou, en passant par l’Afrique noire (en Somalie et au Niger notamment). Ce rôle géopolitique est possible parce qu’il est soutenu par Washington et qu’il sert l’agenda américain du moment. Mais aussi parce que l’ « internationale » politico-militaire que contrôle Ankara est un outil essentiel à son influence. La Turquie est aujourd’hui présente en Syrie, en Irak, en Libye, en Mer de Crète, au Golfe de Syrte, en Azerbaïdjan, au Qatar, en Mer rouge, au Yemen, en Somalie, au Niger. Partout Erdogan sert l’agenda américain. En particulier en Méditerranée et en Libye

Arwa al-Khattabi, une universitaire yéménite, déclare que « les Frères musulmans au Yémen étaient un outil pour mettre en œuvre les projets d’expansion du président Recep Tayyip Erdogan visant à faire revivre l’empire ottoman (…) Avec la montée des Frères musulmans en Turquie, dirigés par Recep Tayyip Erdogan, et avec l’éclatement des révolutions du printemps arabe qui ont été financées par le Qatar près des Turcs, les rêves d’Erdogan de revenir à l’époque du califat ottoman semblaient plus proches de se réaliser ».

LES MERCENAIRES TURCS EN LIBYE EN ECHANGE D’UN ACCORD JUTEUX POUR LA TURQUIE

Après avoir perdu sa mainmise sur les régimes des Frères au Caire (ou Al Sissi les a écrasé) et à Khartoum (après le changement de rgime contre El Béchir), Erdogan a soutenu de tout son poids Fayez al-Sarraj, le Premier ministre libyen appuyé par l’ONU et affilié aux Frères musulmans, dans une bataille difficile contre le maréchal Khalifa Haftar, soutenu par la Russie, l’Arabie Saoudite et les EAU

L’agence Associated Press a révélé fin 2019 comment « la Turquie aurait fait pression sur la Libye pour monnayer son intervention dans le pays ». Les pressions portaient sur un mémorandum que devrait passer Tripoli avec Ankara. Le soutien militaire turc a été « monnayé contre un accord maritime » qui permet « à la Turquie de relancer ses ambitions, notamment sur les hydrocarbures en Méditerranée orientale ».

EN LIBYE: LA PRESENCE DE MILLIERS DE MERCENAIRES DJIHADISTES ETRANGERS INQUIETE

Depuis janvier 2020, des mercenaires de plusieurs nationalités affluent en Libye. Les observateurs estiment leur nombre à plusieurs milliers. Cette présence étrangère inquiète les pays voisins. « Ils seraient 17.000 », selon un dernier recensement du pseudo Observatoire syrien des droits de l’homme. Le comité de sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies évoque quant à lui « 12.000 à 15.000 mercenaires étrangers présents en Libye. Ils combattant aux côtés du Gouvernement d’union nationale dirigé par Fayez el-Sarraj. »

La majorité de ces mercenaires sont syriens anti-Assad, mais ils appartiennent aussi à d’autres nationalités impliquées dans le jihad en Syrie et en Irak. On trouve des Tunisiens, des Algériens, des Yéménites et des Somaliens, tout récemment introduits à Tripoli. Plusieurs sources libyennes affirment que « ces mercenaires sont dirigés par 3.000 soldats et agent de renseignement turcs, présents dans le pays pour soutenir le GNA ». Ankara tient coûte que coûte à contrôler Syrte, ville stratégique et verrou du croissant pétrolier (le « triangle d’or libyen »), tout comme Al Joufra. Mais les deux villes sont « des lignes rouges » pour l’Egypte qui menace d’intervenir.

Le pont aérien transportant armes et mercenaires d’Ankara à Tripoli est incessant. Le plus souvent, ce sont des avions civils qui sont utilisés en vue de la bataille de Syrte. Mercredi 29 juillet, pour la première fois, ces avions ont atterri sur la base militaire d’Al Witya, non loin de la Tunisie et de l’Algérie, alors qu’habituellement, ces mercenaires atterrissent à Tripoli ou à Misrata. Alger et Tunis s’inquiètent d’une possible infiltration sur leur territoire d’éléments extrémistes venant de Syrie. Une majeure partie de ces combattants on été membre de l’organisation Etat islamique, du Front al-Nosra (ex al-qaida) ou d’al-Qaïda en Syrie.

Cette situation inquiète les Européens. « La Libye est à seulement 200 km des frontières de l’Europe ». Le Gouvernement d’union libyen (GNA) soutenu par les Nations unies, utilise ces jeunes combattants mercenaires et qui sont déployés sur la ligne de front à Tripoli depuis le début. Beaucoup sont morts, d’autres ont été mutilés. La donne a changé avec l’entrée en scène de la Turquie. Celle-ci a engagé des mercenaires en masse. Mais ni le GNA ni Ankara ne veulent que cela se sache. Sur le front de syrte, « il n’y a plus que des Syriens qui combattent pour le GNA » …

APRES LA LIBYE LA TURQUIE INSTALLE SES MERCENAIRES AU YEMEN

De Syrie, Ankara envoie ses djihadistes au Yemen. Et de Libye ils commencent à s’installer en Afrique noire, via le Niger.

Voilà ce qu’a révélé ces derniers jours une source syrienne : « après la Syrie et la Libye, la Turquie oeuvre désormais pour rassembler des mercenaires syriens et les transférer au Yémen ». Le prétexte serait de soutenir le parti Al-Islah, affilié aux Frères musulmans égyptiens et se trouvant sur le sol yéménite. Selon l’ISNA, Rami Abdol Rahman, directeur du soi-disant ‘Observatoire syrien des droits de l’homme’ (en réalité une officine organisée à Londres par les MI5 et MI6), a déclaré à ‘Sky News’ « qu’il y avait des informations selon lesquelles les forces turques transféreraient un groupe de mercenaires armés syriennes depuis Afrin dans le nord de la Syrie jusqu’au Qatar (proche allié d’Ankara, autre parrain des « Frères Musulmans » le Qatar est le coffre-fort de l’expansion turque) , en échange de milliers de dollars », ces forces étant censées « être transférées au final au Yémen ».

« Le conflit au Yémen dure depuis très longtemps, mais selon la question sur les ambitions turques au Yémen, les Turcs n’ont quitté le Yémen qu’en 1918 après leur défaite pendant la Première Guerre mondiale, qui les a obligés à se retirer de toutes les terres qu’ils occupaient dans le monde arabe et sur le continent européen (…) Bien que les autorités turques ne cachent pas leurs ambitions expansionnistes dans la région, elles n’ont pas exprimé d’opinion claire à l’époque, et ce qui s’est passé quelques jours avant la conversion du musée Sainte-Sophie en mosquée ne s’écarte pas complètement du domaine de la tentative de restitution du califat islamique à la région. Ce travail n’est ni innocent ni neutre, mais il est symbolique des ambitions de la Turquie dans la région arabe, y compris au Yémen »,, rappelle Arwa al-Khattabi …

NOTES ET RENVOIS :

(1) Fondée en 1928 en Egypte, par Hassan el-Banna, en réaction à la présence coloniale britannique dans la région, paraiiné par le IIEReich nazi avant 1945 (la principale Mosquée des Frères est toujours aujourd’hui à Munich) la Société des Frères musulmans appelle à la régénération de l’islam. Elle a promu, dès son origine, la réislamisation de la société égyptienne et l’instauration d’un Etat fondé sur la Charia. Opposée à la laïcisation des sociétés du Moyen-Orient – à savoir, la sécularisation des institutions – et au nationalisme arabe (le Ba’ath syrien et irakien, le Nassérisme, Kadhafi), cette idéologie à vocation universelle, poursuit – tout comme le salafisme – un double objectif : celui du rétablissement du Califat aboli par Atatürk en 1924 et l’avènement de « l’Oumma (communauté des croyants) islamique transfrontalière » à l’échelle planétaire. Progressivement, le « frérisme » est devenu un des mouvements islamistes sunnites contemporains les plus militants et les plus puissants au monde, en dépit des persécutions massives dont il a fait l’objet dans plusieurs pays depuis sa création. L’évolution récente du mouvement depuis 2011 a fait de la Turquie, après le Qatar, un pôle de rayonnement pour les Frères musulmans et un refuge pour ses sympathisants.

(2) L’actuel président Recep Tayyip Erdogan, a rejoint dès les années 1970, la mouvance islamiste de Necmettin Erbakan, fondateur du Milli Görus (« Vision nationale »), proche des Frères musulmans. Il a apporté son soutien, dès le début, à Mohamed Morsi, également issu du courant frériste et qui avait été élu président lors des élections présidentielles égyptiennes en juin 2012. Lors d’un coup d’Etat, le 3 juillet 2013, Mohamed Morsi a été renversé par l’armée égyptienne avec le soutien de l’Arabie saoudite, puis incarcéré par le nouveau pouvoir incarné par Abdel Fattah al-Sissi. Une répression implacable s’est abattue sur ses partisans, parmi lesquels plus d’un millier d’entre eux ont été tués, tandis qu’une minorité a trouvé refuge en Turquie (en banlieue d’Istanbul) et au Qatar. Dans un tel contexte, la pérennité du mouvement est actuellement assurée grâce à l’action conjointe de la Turquie et du Qatar, où il est soutenu par le cheikh Tamim ben Hamad Al Thani. Cependant, depuis 2014, la pression exercée sur le Qatar par l’Arabie saoudite et d’autres États du Golfe ont conduit le gouvernement de Doha à demander à plusieurs Frères musulmans de quitter le pays. La Turquie s’est déclarée prête à les accueillir. « Ce soutien turc au mouvement aura indubitablement pour effet de modeler le paysage politique et géostratégique de l’ensemble de la région » disent des experts.

(Sources : AFP – Reuters – TVS – EODE Think Tank)

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