Le Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
de LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ)/
2022 09 30/ Série IV/

Les gazoducs Nord Stream construits au fond de la mer Baltique pour acheminer le gaz russe vers l’Europe ont été touchés par des fuites majeures, le Kremlin évoquant un possible sabotage des USA, Kiev « une attaque terroriste » russe (sic).

Les vastes fuites en cours sont dues à des « actes délibérés » et « pas à un accident », a affirmé mardi soir la Première ministre danoise Mette Frederiksen, pour qui elles devraient durer « au moins une semaine » jusqu’à l’épuisement du méthane qui s’échappe des conduites sous-marines. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a elle aussi estimé qu’il s’agissait d’un « acte de sabotage ». Oubliant de préciser que ce sabotage est fait par Washington !

FUITES SUR NORD STREAM : LE CONSEIL DE SECURITE DE L’ONU SE REUNIT VENDREDI

Le Kremlin a déclaré mercredi qu’il était « stupide et absurde » de suspecter la Russie d’être derrière les fuites massives détectées dans les gazoducs.

Dans des circonstances troubles qui restent a eclaircir, les gazoducs Nord Stream 1 et 2 reliant la Russie a l’Allemagne sont touches par des fuites depuis lundi.

L’affaire des fuites dans les gazoducs Nord Stream vire à la crise géopolitique. Alors que les Européens dénoncent un « sabotage », la Russie a réagi aux fausses accusations dont elle fait l’objet depuis mardi. Il est « stupide et absurde » de suspecter la Russie d’être derrière les fuites massives détectées après des explosions ayant touché les gazoducs Nord Stream, a déclaré mercredi 28 septembre le Kremlin.

Dans la foulée, la Russie a indiqué, par la voix de la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, vouloir demander « une réunion officielle » du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) « dans le cadre des provocations concernant les gazoducs Nord Stream 1 et 2 ».

Une demande à laquelle la France, en tant que présidente du Conseil de sécurité, a répondu favorablement. Le Conseil de sécurité de l’ONU devrait se réunir ce vendredi 30 septembre pour évoquer ces fuites, selon la ministre suédoise des Affaires étrangères. La Suède et le Danemark ont été chargés de donner des informations aux membres du Conseil sur ces fuites survenues dans leurs zones économiques exclusives, a-t-elle précisé.

DMITRI PESKOV : « PREVISIBLE, STUPIDE ET ABSURDE »

« Il était assez prévisible » que certains mettent la Russie en cause, a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. « Prévisible, stupide et absurde », a-t-il ajouté. Ces fuites touchant Nord Stream 1 et 2 sont « problématiques pour nous, car les deux tubes sont remplis de gaz (russe) prêt à être pompé et ce gaz coûte très cher. Maintenant, ce gaz est en train de s’échapper », a-t-il regretté.

PASSE D’ARMES ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET L’UKRAINE

La diplomatie russe a par ailleurs exigé que le président américain Joe Biden dise si les États-Unis sont, ou non, derrière ces fuites. « Le président américain est obligé de répondre à la question de savoir si les États-Unis ont mis à exécution leur menace », a ainsi lancé sur Telegram Maria Zakharova, en référence à une déclaration de Joe Biden début février qui affirmait que Washington « mettrait fin » à Nord Stream 2 si Moscou intervenait militairement en Ukraine.

Les deux infrastructures ont été endommagées par des explosions sous-marines au large d’une île danoise en mer Baltique, provoquant de vastes bouillonnements. Hors service à cause de la guerre en Ukraine, ces gazoducs, qui relient la Russie à l’Allemagne, contenaient tout de même du gaz. Selon les autorités danoises, plus de la moitié du gaz contenu dans les gazoducs se serait déjà échappée dans l’atmosphère mercredi 26 septembre. « Nous nous attendons à ce que le reste s’échappe d’ici dimanche », a affirmé le directeur de l’autorité danoise de l’Énergie, Kristoffer Böttzauw, lors d’une conférence de presse.

Les services de sécurité russes (FSB) ont ouvert mercredi une enquête pour « acte de terrorisme international » après le sabotage présumé des gazoducs Nord Stream en mer Baltique, a indiqué mercredi le Parquet général russe. « Sur la base d’élements envoyés par le Parquet général russe (…) l’organe d’investigation du FSB a ouvert une affaire criminelle. Une enquête prémélinaire a commencé , a déclaré le Parquet dans un communiqué publié sur son compte Telegram.

Dmitri Peskov a appelé « tout le monde à réfléchir avant de s’exprimer, à attendre les résultats des inspections pour savoir s’il s’agit d’une explosion ou non ». « Cette situation exige du dialogue, une interaction rapide entre toutes les parties pour découvrir ce qui s’est passé. Pour l’instant, nous constatons une absence totale de dialogue », a-t-il ajouté.

Ces fuites éloignent la perspective d’une reprise prochaine des livraisons de gaz à l’Europe via Nord Stream 1, qui avaient été interrompues début septembre dans le contexte des tensions autour de l’offensive russe en Ukraine. La Russie a fermé les vannes en invoquant des problèmes techniques, mais les Européens, très dépendants du gaz russe pour se chauffer cet hiver, accusent Moscou d’utiliser les livraisons comme un moyen de pression.

A QUI PROFITE LE CRIME? 1
LA NORVEGE SE RENFORCE, MACRON LUI DEMANDE DE CONTENIR LA FLAMBEE DES PRIX

Après des observations troublantes de drone et le sabotage présumé des gazoducs Nord Stream, la Norvège a annoncé mercredi un renforcement de la sécurité autour de ses installations pétrogazières considérées comme une potentielle cible de choix. Le président français Emmanuel Macron a appelé mercredi la Norvège, désormais premier fournisseur de gaz de l’Europe, à « renforcer son action » pour lutter contre l’envolée des prix gaziers induite par la guerre en Ukraine. Lors d’un entretien téléphonique avec le Premier ministre Jonas Gahr Støre, le chef de l’Etat a « salué les efforts de la Norvège pour augmenter ses exportations et contribuer ainsi à réduire la dépendance européenne aux hydrocarbures russes », a précisé l’Elysée.

Conséquence de la réduction par Moscou de ses livraisons de gaz en représailles aux sanctions prises par les Européens après l’offensive russe en Ukraine, la Norvège est devenue le principal fournisseur gazier de l’Europe, à laquelle elle est reliée par un vaste réseau de pipelines. Le pays scandinave produit actuellement à plein régime. Selon des prévisions officielles, ses exportations de gaz pourraient atteindre un niveau record de 122 milliards de m3 cette année. A comparer aux quelque 150 milliards de m3 de gaz par an fournis par la Russie à l’Union européenne avant la guerre. Face à l’envolée des prix, plusieurs Etats européens, dont l’Italie, préconisent un plafonnement des prix du gaz acheté non seulement à la Russie mais aussi à d’autres pays producteurs comme la Norvège, une proposition accueillie fraîchement par Oslo.

QUI A SABOTE LES GAZODUCS NORD STREAM ?

Trois fuites importantes dans deux gazoducs en une journée. C’est beaucoup pour n’être qu’une simple coïncidence. Or si c’est du sabotage, ça ne peut être qu’une opération d’État. La question est alors qui et dans quel but ?

L’inspection des deux gazoducs endommagés par des explosions sous-marines au large d’une île danoise dans la Baltique ne pourra se faire avant une à deux semaines en raison des remous, selon le ministre danois de la Défense Morten Bødskov, mais tout semble indiquer un sabotage. S’il faudra peut-être du temps pour que la vérité émerge de façon crédible, certains analystes observent que le flou profite à beaucoup d’acteurs.

POURQUOI CE N’EST PAS JUSTE UNE SIMPLE FUITE ?

Trois fuites de gaz se sont produites lundi au large de l’île danoise de Bornholm, dans la mer Baltique. Deux dans le gazoduc Nord Stream 1 et une dans le Nord Stream 2. Il s’agit de trois pipelines relativement neufs, en acier et dotés d’une épaisse couche de protection en béton. Il est presque impossible qu’ils connaissent au même moment une avarie.

QUELLES CAUSES? QUELS RISQUES? LES QUESTIONS QUI SE POSENT SUITE AUX FUITES DE NORD STREAM EN MER BALTIQUE

La piste du sabotage est aussi étayée par le fait que les stations de surveillance sismologique suédoises ont détecté deux explosions dans la zone des fuites à 2 heures du matin et à 7 heures de l’après-midi lundi, dont l’une avait une puissance de 2,3 sur l’échelle de Richter. Selon Björn Lund, directeur du Réseau sismologique national suédois, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une explosion ou d’une déflagration ». Ces fuites sont aussi spectaculaires puisqu’elles sont visibles sur les radars des navires voisins et que des bulles de gaz de 200 mètres à 1 kilomètre de diamètre se sont formées à la surface de l’eau.

Enfin, même du côté des autorités, on n’hésite plus à parler de sabotage. Ainsi pour Mette Frederiksen, la Première ministre danoise, elles sont dues à des « actes délibérés » et pas à un « accident ». La thèse d’un sabotage délibéré est confortée par le fait qu’outre la profondeur des eaux, les trous par lequel s’échappe le gaz sont « trop gros » pour être de cause accidentelle et qu’ils ont été provoqués « par des détonations », a encore détaillé le ministre de l’Energie Dan Jørgensen. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a elle aussi évoqué mardi soir « un acte de sabotage ».

BIDEN DOIT DIRE SI LES ÉTATS-UNIS SONT DERRIERE LES FUITES SUR NORD STREAM: « IL EST OBLIGE DE REPONDRE A LA QUESTION »

Le président américain Joe Biden doit dire si les États-Unis sont ou non derrière les fuites détectées sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2 dans la mer Baltique, a exigé mercredi la diplomatie russe. Biden doit dire si les États-Unis sont derrière les fuites sur Nord Stream: « Il est obligé de répondre à la question »

« Le président américain est obligé de répondre à la question de savoir si les États-Unis ont mis à exécution leur menace », a lancé sur Telegram la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova, en référence à une déclaration de M. Biden début février qui affirmait que Washington « mettrait fin » à Nord Stream 2 si Moscou intervenait militairement en Ukraine.

« Si la Russie envahit (l’Ukraine), alors il n’y aura plus de Nord Stream 2 », avait affirmé Joe Biden le 7 février, deux semaines avant le début de l’offensive russe.

Mercredi, Maria Zakharova a jugé que le président américain « devait être responsable de ses paroles ». « L’Europe doit connaître la vérité », a-t-elle ajouté, alors que les causes des fuites détectées sur Nord Stream 1 et 2 sont toujours inconnues.

Plus tôt dans la journée, le Kremlin avait affirmé qu’il était « stupide et absurde » de soupçonner la Russie d’être derrière ces fuites massives, après que Kiev a dénoncé « une attaque terroriste planifiée » par la Russie contre les pays européens.

« On voit la réaction hystérique des Polonais (et) les énormes bénéfices réalisés par les fournisseurs américains de gaz naturel liquéfié, qui ont multiplié leurs approvisionnements sur le continent européen », a dénoncé son porte-parole Dmitri Peskov.

Selon l’institut sismique suédois, deux explosions sous-marines « très probablement dues à des détonations » ont été enregistrées à proximité des fuites avant leur détection, sans pour le moment en déterminer leur origine.

L’ambassade russe au Danemark a par ailleurs dénoncé mercredi dans un communiqué « un sabotage contre la sécurité énergétique de la Russie et de l’Europe ».

L’Union européenne a, elle, promis « la réponse la plus ferme » face à « toute perturbation délibérée des infrastructures énergétiques européennes ». La Russie est régulièrement accusée par les Européens d’utiliser le gaz comme une « arme » contre eux.

Fuites sur Nord Stream: l’UE promet la « réponse la plus ferme » à ce « sabotage ». En mer Baltique, l’explosion du gazoduc Nord Stream, inactif depuis début septembre, interpelle. Les Danois dénoncent « un acte délibéré », les Européens s’inquiètent d’une escalade de la guerre économique et d’un possible désastre environnemental.

A QUI PROFITE LE CRIME? 2
L’EUROPE AUGMENTE SES IMPORTATIONS DE GAZ RUSSE… LIQUIDE

Le gaz naturel liquéfié de Russie continue à arriver sur les côtes européennes. Il provient du champ gazier de Yamal, opéré par TotalEnergies.

C’est la face cachée de la crise énergétique: jamais l’Europe n’a autant acheté de gaz russe… par bateaux. Depuis le début de l’année, les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance de Russie ont augmenté de 13%, selon les données le Groupement international des importateurs de GNL (GIIGNL). Elles s’élèvent déjà à 11 millions de tonnes à fin août et devraient largement dépasser le niveau des importations de GNL Russe sur 2021 qui étaient de 13 millions de tonnes.

Au premier semestre, les achats atteignaient déjà 8,6 millions de tonnes contre 7,6 millions sur les six premiers mois de l’année dernière. La tendance devrait toutefois se calmer alors que les stocks de gaz en Europe sont quasiment plein. Les prix du GNL en Europe ont d’ailleurs déjà commencé à refluer.

Novatek n’est pas Gazprom…

Mais le mouvement global est net. « Ça passe en dessous des radars mais on continue à importer beaucoup de gaz russe, mais sous forme liquide qui transite par bateaux » explique un dirigeant français du secteur. Aujourd’hui, la Russie pèse environ 12% des approvisionnements de GNL en Europe.

Ce gaz provient du champ gazier de Yamal, opérée par le Français TotalEnergies et son partenaire russe Novatek. « Les politiques acceptent cette situation car Novatek est une société privée contrairement à Gazprom, explique une source proche des pouvoirs publics. L’argent ne tombe pas dans les poches de Poutine ».

Les dirigeants politiques européens se félicitent de voiloir réduire de deux tiers leurs importations de gaz russe. Mais en réalité, ce sont surtout les importations par gazoducs qui ont beaucoup baissé alors que Gazprom a coupé son principal pipeline North Stream 1. A fin juillet, le Français Engie affirmait que ses approvisionnements en gaz russe n’étaient plus que de 4%. Mais il s’agit des achats auprès de Gazprom uniquement. Le groupe achète encore du GNL en provenance du site de Yamal de Novatek et TotalEnergies en Sibérie.

L’Allemagne en profite. Il arrive en Europe par les terminaux méthaniers aux Pays-Bas, en Belgique, en France et en Espagne. « Le gaz est en partie renvoyer vers l’Allemagne qui en a cruellement besoin », explique une source industrielle.

La Russie pèse encore 14% des importations de gaz naturel liquéfié importé en Europe. Toutefois loin devant les Etats-Unis qui représentent désormais près de la moitié du GNL européen. Leurs exportations vers le vieux continent ont explosé de 150% au premier semestre, selon le GIIGNL.

Les américains sont les grands gagnants de la crise du gaz russe.

Luc MICHEL (Люк МИШЕЛЬ)

* Avec le Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique :
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