Revue de Presse
(Livres – Débats – Idées)/ 2022 11 03/
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* Le Mage du Kremlin,
premier roman de Giuliano da Empoli
ex-conseiller de Matteo Renzi, ancien président du Conseil italien,
paru en avril 2022
aux éditions Gallimard.
« Les nouveaux héros, les banquiers et les top-modèles ont imposé leur domination et les principes sur lesquels était fondée l’existence de trois cent millions d’habitants de l’URSS ont été renversés. Ils avaient grandi dans une patrie et se retrouvaient soudain dans un supermarché. »
(« Le Mage du Kremlin » p.87)
Ce passionnant premier roman à clés déployé à la manière des moralistes du 17e siècle « plonge le lecteur dans les arcanes du pouvoir de Poutine ». Sacré Grand Prix du Roman de l’Académie française, « Le Mage du Kremlin » fait partie des quatre romans finalistes pour le Goncourt 2022.
#I/
« LE MAGE DU KREMLIN » PREMIER ROMAN DE GIULIANO DA EMPOLI EN LICE POUR LE GONCOURT : « PLONGEE DANS LES SECRETS DE POUTINE ET MEDITATION MAGISTRALE SUR LE POUVOIR » (FRANCE INFO)
Le Mage du Kremlin, premier roman de Giuliano da Empoli ex-conseiller de Matteo Renzi, ancien président du Conseil italien, est paru en avril 2022 aux éditions Gallimard. Le livre était déjà un succès en librairie (130 500 exemplaires vendus),  avant d’avoir reçu le Grand Prix du Roman de l’Académie française le 27 octobre. Il est également l’un quatre romans finalistes pour le Goncourt 2022.
L’histoire : on ne sait pas très bien ce qu’est devenu Vadim Baranov (en réalié Wladislav Surkov), éminence grise de Vladimir Poutine, aujourd’hui retiré des affaires. Ce « nouveau Raspoutine », a soufflé pendant vingt ans à l’oreille du « Tsar » toutes les stratégies qui lui ont assuré le pouvoir absolu, de la guerre en Tchétchénie, en passant par l’annexion de la Crimée, l’occupation du Donbass, ou encore la mise en scène de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Sotchi.
Vadim Baranov s’est fait une place de choix dans une cour de courtisans ou d’oligarques que le « tsar » n’hésite pas à écarter voire à éliminer sans scrupule à la moindre incartade. Mais depuis sa démission, personne ne sait ce que Baranov est devenu. Comment ce personnage atypique, petit-fils d’un aristocrate extravagant et érudit, d’abord metteur en scène, puis producteur de télévision, est-il devenu le « Mage du Kremlin » ?
C’est par le truchement de Nous, roman dystopique de Zamiatine publié dans les années 20, que l’on va l’apprendre, quand le narrateur, un Français qui travaille sur un projet de réédition du roman, se voit invité dans une maison perdue au milieu de la forêt dans les environs de Moscou. L’hôte mystérieux n’est autre que Boris Baranov, qui lui raconte dans un long monologue comment il est devenu le « Mage du Kremlin »…
LE « MODESTE » PATRON DU FSB
CONTRE LES OLIGARQUES
En compagnie du mage, on entame un voyage dans les  trente dernières années de l’histoire de la Russie, depuis la fin de l’URSS jusqu’à aujourd’hui. L’URSS des apparatchiks, puis la fin de l’Union soviétique et les années de frénésie capitaliste poussée à son paroxysme sous Elstine. « Les nouveaux héros, les banquiers et les top-modèles ont imposé leur domination et les principes sur lesquels était fondée l’existence de trois cent millions d’habitants de l’URSS ont été renversés. Ils avaient grandi dans une patrie et se retrouvaient soudain dans un supermarché » (« Le Mage du Kremlin » p.87).
On assiste en direct à la première rencontre entre le futur « tsar » et son futur « mage », quand l’influent oligarque Berezovsky sentant le vent tourner, propose au « modeste » patron du FSB (ex KGB) de devenir le nouvel homme fort du pays, pour restaurer la « verticalité du pouvoir » dans un pays gagné par le chaos, pensant en faire sa marionnette.
Mais au cours de cet entretien, c’est le discret Baranov que Poutine a repéré, et son « attachement à supériorité de l’Etat sur le privé ». Le patron du FSB décide d’accepter la proposition de Berezovsky, mais c’est Baranov qu’il convoque et embauche comme conseiller, bien décidé à ne pas se laisser manipuler par Berezovsky. Ainsi démarre une improbable collaboration qui va durer vingt ans.
GALERIE DE PERSONNAGES
Giuliano da Empoli ex-conseiller de Matteo Renzi avait déjà exploré la figure du « spin doctor » des dirigeants populiste dans un essai, Les Ingénieurs du chaos (Lattès, 2019). Avec Le Mage du Kremlin, il choisit la forme romanesque pour se concentrer sur le président russe et brosser le portrait de Vadim Baranov, son personnage de « Mage du Kremlin » librement inspiré par Vladislav Surkov, éminence grise de Vladimir Poutine.
On voit ainsi passer dans le récit du mage tous les personnages qui ont marqué l’histoire de la Russie depuis 20 ans, de Berezovsky à Sechine, le fidèle des fidèles secrétaire de Poutine, en passant par Limonov, l’oligarque Khodorkovski, le « cuisinier » Prigogine, ou encore le motard chef des « Loups de la nuit » … Une galerie de personnages naturellement romanesques, comme de nombreuses scènes racontées par le mage, dont s’empare avec gourmandise Giuliano da Empoli.
LA FORCE DU ROMAN SELON FRANCE INFO
En plus de nous divertir, l’écrivain décortique avec clarté et justesse l’enchainement des événements autant que les raisons qui ont conduit à l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, résultat de la folie d’un homme autant que du désespoir d’un peuple humilié, ou du cynisme américain.
Au-delà du récit des faits, Giuliani da Empoli propose à la manière des moralistes du 17e siècle une réflexion passionnante sur l’exercice du pouvoir dans sa forme la plus absolue, qui conduit irrémédiablement à la solitude du chef suprême, avec un Poutine, à la veille de l’invasion de l’Ukraine complètement isolé, son labrador pour seul conseiller… Mais ce n’est rien nous dit le mage, en comparaison de ce qui nous attend avec l’avènement d’un pouvoir qui n’aura bientôt « plus besoin de la collaboration humaine ».
Giuliani da Empoli sait dessiner en une volée de pages un personnage, saisir en quelques mots choisis les enjeux d’une situation, la profondeur d’une psychologie. Avec ce premier roman, il démontre la puissance de la fiction pour éclairer le réel et proposer des pistes de réflexion sur la marche du monde. Du grand art.
EXTRAIT :
« Il faut que vous compreniez une chose : le Tsar ne dit jamais rien de précis, mais ne dit jamais rien par hasard non plus. S’il se donne la peine de faire une suggestion, par exemple que son conseiller politique rencontre un restaurateur de Saint-Pétersbourg pour discuter avec lui de la politique étrangère russe, aussi absurde que cela puisse paraître, l’idée doit être prise au sérieux et mise à exécution.(Le Mage du Kremlin, page 213)
#II/
« LE MAGE DU KREMLIN », UN LIVRE AU HEROS PAS SI FICTIF : VLADISLAV SURKOV, LE « SPINDOCTOR » DE POUTINE
Giuliano da Empoli, finaliste du prestigieux prix littéraire, s’est librement inspiré d’un ex-proche éminent de Poutine, un certain Vladislav Sourkov, pour écrire son récit.
Alors que nous entrons dans le neuvième mois de guerre en Ukraine, un roman a tout particulièrement attiré l’attention de la presse. Il s’agit du premier roman de l’écrivain franco-suisse Giuliano da Empoli, Le mage du Kremlin, pour lequel il a reçu il y a quelques jours le Grand Prix de l’Académie française. Paru au mois d’avril chez Gallimard, il a été écrit avant le début de l’invasion russe.
Son récit, qui nous replonge dans l’histoire de la Russie depuis l’éclatement de l’URSS, c’est celui d’un homme aujourd’hui retiré des hautes sphères publiques. Cet homme, il était au cœur du pouvoir et avait les faveurs du tsar. Ancien producteur de téléréalité, il était devenu l’éminence grise de Poutine.
Celui qu’on appelait « le mage du Kremlin » ou « le nouveau Raspoutine » n’avait pourtant pas « de rôle bien défini au début, écrit Giuliano da Empoli. Il se manifestait dans le bureau du président quand les affaires courantes étaient expédiées.» Et depuis qu’il a disparu, les légendes courent au sujet de Vadim Baranov. Notre narrateur l’a retrouvé. Une nuit, tapis dans l’ombre de ses bibliothèques, il s’est confié.
VADIM BARANOV OU VLADISLAV SOURKOV ?
Attention à ne pas tomber dans le piège, c’est une fiction. Elle est toutefois inspirée de faits et de personnages réels, et plus précisément d’un homme : Vladislav Sourkov. Né en entre 1963 et 1965 (personne ne sait), Vladislav Sourkov est un homme d’affaires russe. Il n’est pas seulement considéré comme l’ancien homme de l’ombre de Vladimir Poutine, il est aussi, aux yeux de beaucoup d’historiens, le fondateur de l’idéologie et de la propagande du Kremlin, celui à qui on attribue les concepts de « démocratie souveraine » et de « verticale du pouvoir ».
Fan de rap, parolier pour un groupe de rock, grand amateur de théâtre avant-gardiste, écrivain à ses heures perdues… On le décrit comme un fin stratège au profil atypique. Mais voilà, depuis 2020 : silence radio. Il a disparu des radars. Mystère.
C’est en travaillant sur son essai Les ingénieurs du chaos, un texte traduit en douze langues, que Giuliano da Empoli s’est familiarisé au personnage, nous renseigne Le Monde. « Bien que j’aie tout de suite été frappé par [lui], j’ai choisi de ne pas l’insérer dans mon livre. La possibilité d’en faire quelque chose d’autre me trottait dans la tête. Il est tellement romanesque qu’il m’a libéré et poussé à devenir romancier », confie l’auteur, quatre années d’enquête sur Vladislav Sourkov au compteur.
Né en 1973 à Neuilly-sur-Seine, Giuliano da Empoli est un fin connaisseur du monde géopolitique. Écrivain donc, il a aussi été le conseiller politique de l’ex-président italien du conseil des ministres Matteo Renzi, en plus d’avoir occupé la fonction de maire adjoint à la culture à Florence. Il est aujourd’hui président d’un think tank baptisé Volta, à Milan. Du fait de son parcours et de ses lectures, il est passionné par les mécanismes, les stratégies internes et les rouages du pouvoir.
Dans Le mage du Kremlin, c’est ce qu’il a voulu retranscrire à travers le récit fictif de son héros, dont il a recontextualisé avec fidélité la véritable carrière politique, à l’image du dossier ukrainien dont Vladislav Sourkov fut chargé jusqu’en 2014, veille de l’annexion de la Crimée. Là où il prend des libertés, c’est sur la dimension tragique de son personnage à qui il prête des discours imaginaires, nous dit Le Monde, mais aussi sur ses origines. Le vrai Sourkov vient de Tchétchénie, pas de Russie. Il est né d’un père instituteur, pas aristocratique.
#III/
DERRIERE LES MYTHES SUR POUTINE …
« The American Conservative » review (USA) a passé en revue une nouvelle biographie de Poutine qui « expose tous les fakes sur le président russe » que les Américains ont accumulés. « Les mensonges sur Poutine se multiplient dans la presse occidentale.
La nouvelle biographie démystifie de nombreuses théories du complot occidentales sur le dirigeant russe, notamment:
* que « les bombardements d’immeubles résidentiels à Moscou et dans d’autres villes à l’automne 1999, qui ont tué plus de 300 citoyens russes dans leur sommeil, auraient en fait été une opération d’infiltration du FSB »,
* que « Poutine serait un enfant illégitime de l’Oural, qui a été secrètement adopté »,
* que « Poutine aurait ordonné le meurtre d’Anna Politkovskaïa »
* que « Poutine aurait ordonné l’assassinat de Boris Nemtsov et de plusieurs autres ».
Beaucoup de ces rumeurs folles proviennent du carnet de chèques de l’oligarque décédé Boris Berezovsky.
La question la plus importante est de savoir pourquoi ces mythes continuent de circuler sans être démystifiés, en particulier dans les médias français. Les lecteurs américains ou français ne peuvent pas être blâmés pour avoir pris au pied de la lettre des histoires folles sur Poutine. L’Américain moyen connaît peu la Russie. Les personnes responsables de cela sont nos soi-disants experts russes. C’est leur travail de séparer les faits de la fiction pour les non-professionnels. Dans le cas de Poutine, ils ont refusé ce devoir.
Il existe de nombreux livres sur Poutine en vente en Amérique, et il est remarquable que certains des plus hystériques – alléguant qu’il est un tueur endurci ou le résultat d’un complot du KGB qui dure depuis des années – sont écrits par des auteurs les plus recommandés. Diffuser de fausses histoires sur Poutine nuit à l’Amérique (et à la France) en trompant le public sur un acteur géopolitique important. »
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