Luc MICHEL
2022 12 18

1ERE BASE MILITAIRE CHINOISE EN AFRIQUE A DJIBOUTI : LA NOUVELLE GEOPOLITIQUE DE PEKIN SORT DE SES LIMITES HISTORIQUES

Mise en place en 2015 par de discrets transferts de personnels, l’installation de marins chinois à Djibouti sera bientôt une réalité. Le 12 juillet, l’agence d’Etat Chine nouvelle a annoncé qu’un bâtiment militaire avait appareillé mardi du port de Zhanjiang en direction de Djibouti. Officiellement, l’implantation chinoise n’est qu’une base logistique mais, comme l’a longuement chroniqué la Lettre de l’océan Indien, il s’agit bien en réalité d’une plateforme militaire et de renseignement.

Activement soutenue par le gouvernement djiboutien, cette installation chinoise inquiète considérablement les Occidentaux – dont ceux de l’opération « Atalante » visant la piraterie – déjà présents à Djibouti, aux premiers rangs desquels Américains et Français, mais également les pays voisins, tels l’Ethiopie, qui craignent que l’arrivée de la Chine dans la région ne vienne compliquer une équation régionale déjà explosive.

LA GUINEE EQUATORIALE S’APPRETE-T-ELLE A ACCUEILLIR UNE BASE MILITAIRE CHINOISE ?

La Guinée équatoriale à elle seule forme un bloc qui entrave les plans des occidentaux et particulièrement des États-Unis, à savoir, la prise du monopole du golfe de Guinée. Washington tire la sonnette d’alarme dès février 20221, comme il l’a fait lorsque la Chine a déployé une base militaire à Djibouti, la première en dehors du territoire chinois.

Les services de renseignement américains estiment que la Chine est sur le point d’établir sa toute première installation navale permanente dans l’océan Atlantique. Dimanche, le Wall Street Journal a révélé les principales conclusions d’une série de rapports secrets des services de renseignement qui indiquent que l’armée chinoise prépare une présence dans un port en eau profonde en Guinée équatoriale, sur la côte est de l’Afrique.

Des responsables américains ont indiqué que ces rapports « soulèvent la perspective que des navires de guerre chinois puissent se réarmer et se rééquiper en face de la côte est des États-Unis – une menace qui déclenche les sonnettes d’alarme à la Maison Blanche et au Pentagone ». En avril dernier, le commandant du commandement américain pour l’Afrique, le général Stephen Townsend, a évoqué pour la première fois la possibilité de cette « menace la plus importante » d’une présence militaire de l’APL dans l’Atlantique lors d’un témoignage au Sénat – décrivant que Pékin lorgne « une installation navale militairement utile sur la côte atlantique de l’Afrique ». « Par militairement utile, j’entends quelque chose de plus qu’un endroit où ils peuvent faire des escales et s’approvisionner en essence et en produits d’épicerie », a-t-il déclaré à l’époque. « Je parle d’un port où ils peuvent se réarmer en munitions et réparer des navires de guerre ».

Mais pour toute « l’alarme » de Washington et de l’establishment de la défense, il convient de souligner que la Guinée équatoriale est à 11 200 km du continent américain. En outre, les États-Unis maintiennent au moins 750 bases dans quelque 80 pays du monde, dont 29 bases connues ou plus s’étendant d’un côté à l’autre de l’Afrique.

La première base militaire chinoise à l’étranger a donc été installée à Djibouti en 2017, sur la Corne de l’Afrique, et se trouve à moins de 16 km du Camp Lemonnier, connu comme la plus grande base américaine en Afrique. Les responsables américains s’inquiètent depuis longtemps du fait que, parallèlement à l’empreinte militaire chinoise, Pékin espère contraindre les pays hôtes à signer d’importants accords d’investissement et d’infrastructure chinois, faisant ainsi progresser les intérêts géopolitiques de la Chine dans la lignée de l’initiative « Nouvelle Route de la Soie » de Xi. Un analyste d’un groupe de réflexion financé par les États-Unis a souligné le schéma suivant qui accompagne l’expansion militaire chinoise dans les pays étrangers : « La Chine ne se contente pas de construire une base militaire comme les États-Unis », a déclaré Paul Nantulya, chercheur associé au Centre africain d’études stratégiques, financé par le Pentagone. « Le modèle chinois est très, très différent. Il combine des éléments civils ainsi que des éléments de sécurité ».

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En Guinée équatoriale en particulier, les États-Unis craignent que Pékin puisse plus facilement réaliser des percées économiques plus profondes et lucratives. Car effectivement, un partenariat avec la Chine ou encore l’Iran et la Russie, est du type gagnant-gagnant contrairement les accords avec les États-Unis et ses alliés occidentaux, qui ressemble plus à des accords coloniaux qu’autre chose. Si les États-Unis installent des bases militaires en Afrique, comme c’est le cas par exemple au Niger, ce n’est jamais au profit des Africains. Bien au contraire, tout comme la présence militaire française ou encore allemande en Afrique de l’Ouest, qui sont considérés comme une présence d’occupation en Afrique, celle des États-Unis amène au même résultat, à savoir, une montée accrue de l’insécurité et l’accélération de la déstabilisation des régions en Afrique. L’installation massive des bases militaires occidentale sur le continent africain, mais également dans le Moyen-Orient, n’a jamais réglé le problème du terrorisme. C’est grâce à des alliances régionales que le terrorisme peut être vaincu. Cela s’est déjà vu aussi bien au Moyen-Orient qu’en Afrique.

La Chine forme et arme également la police nationale du pays. Ces dernières années, la Guinée équatoriale a également signé les mémorandums de la Nouvelle Route de la Soie en s’engageant à adhérer à l’initiative. Mais outre la Chine, la Guinée équatoriale a également accueilli dans ses ports la Russie, mais également la force navale iranienne est très présente dans les eaux du golfe de Guinée.

Le rapport du Wall Street Journal présente des images satellites et des déclarations d’officiels américains suggérant fortement que les Chinois ont un œil sur Bata en particulier, la plus grande ville continentale du pays, sur la côte. Le rapport décrit que cet endroit « dispose déjà d’un port commercial en eau profonde construit par la Chine sur le golfe de Guinée, et d’excellentes autoroutes relient la ville au Gabon et à l’intérieur de l’Afrique centrale ».

Une présence militaire chinoise, tout comme iranienne et russe dans une région, diminue considérablement la piraterie maritime ou encore les offensives rebelles ou terroristes en Afrique, mais également dans le monde. Actuellement, on enregistre un haut taux de piraterie dans le golfe de Guinée, mais c’est de la piraterie ciblée. Comme toujours, les seuls navires commerciaux qui sont touchés par les actes de piraterie dans le golfe de Guinée sont les navires russes, chinois, turcs ou encore indiens. Pourtant avec la présence massive des navires militaires et des nombreuses multinationales et navires commerciaux occidentaux, ils ne sont jamais touchés par des actes de piraterie, sauf si ce sont des groupes de résistants locaux qui torpillent le fonctionnement des multinationales. La réalité, est que tant que les terroristes, les rebelles ou les pirates maritimes ne touchent pas aux intérêts occidentaux, ils vivent côte à côte et sont également armés et financés par les mêmes occidentaux.

Dans le golfe d’Aden, au large de la Somalie, la piraterie était à son apogée. À l’époque où les Occidentaux étaient largement présents dans la zone, c’était exactement la même histoire. Maintenant qu’ils ont perdu leur position avec l’arrivée de la flotte iranienne et russe dans la région, la piraterie a nettement diminué. Elle s’est maintenant déplacée, en même temps que les Occidentaux, dans le golfe de Guinée.

La Guinée équatoriale n’était pas prête à laisser le monopole de la région aux Occidentaux, c’est pourquoi Malabo a donné l’accès aux navires russes, et iraniens et que maintenant, c’est une base militaire navale chinoise qui serait au cœur des discussions. Ce qui saperait encore une fois les plans d’invasion de la région par les Occidentaux. L’ère du colonialisme est révolue, mais les Occidentaux se croient encore à l’époque coloniale.

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